Total War : Three Kingdoms – Tout ce qu’il y a à savoir avant la sortie du jeu

Type : Stratégie au tour par tour et simulation de combat en temps réel

Date de sortie : 23 mai 2019

Plateforme : PC

Prix : 59,99 euros sur Steam

Bonus de précommande : DLC La Révolte des Turbans Jaunes offert

Langues : anglais et français (audio, texte, interface)

Avant toute chose, guettez les annonces de streaming du site pour les avant-premières du jeu !
La dernière itération des Total War retourne, après une longue traversée du désert, à ses origines. Il se déroulera en effet dans une période historique troublée par les guerres, les Trois Royaumes chinois, au IIIème siècle avant notre ère. La stratégie historique (ou plus ou moins historique) de grande ampleur s’est faite longtemps attendre après l’atterrissage en catastrophe de Rome II en 2012. Avec le recul pourtant, bien des choses ont évolué. Rome II, à grands renforts de patchs, s’est redressé des tréfonds où il s’était égaré. Attila, souffrant de l’ombre peu flatteuse du titre romain, était assez bon. Warhammer, incontournable, a fait un bond sans précédent dans la qualité de gameplay. Seule l’expérience assez oubliable de Thrones of Britannia vient ternir le tableau. Depuis Medieval II, pierre angulaire et titre unanimement respecté malgré sa dizaine d’années dans la tronche, le studio a fait du bon chemin. Avant d’inspecter ce qui devrait faire la saveur spécifique de Three Kingdoms, un tour d’horizon de ce qu’on est en droit d’attendre d’un Total War aujourd’hui s’impose.

Sur le champ de bataille, la continuité est encore évidente avec les premiers titres. La qualité graphique n’a cessé de s’améliorer, la variété visuelle des unités et des animations avec, mais la quantité de soldats à trépasser sur les champs est restée dans une fourchette assez timide, quelques milliers tout au plus. Et les stratégies appliquées, le sacro-saint déploiement-bataille-déroute, le moral et la santé des unités – le feeling des batailles n’a pas tant varié, et l’IA ne suit pas toujours. Warhammer a massivement chamboulé ce paysage, mais c’est en grande partie hors contexte dans une application réaliste de la guerre au IIIème siècle avant notre ère en Chine. L’éclosion du multijoueur a aussi approfondi l’intérêt stratégique des batailles. Le moteur graphique des batailles est en revanche un peu retard, stagnant au niveau d’Attila depuis des années. Assistera-t-on un retour en arrière dans la diversité et la qualité des batailles ? Quelles nouveautés pour compenser cela dans Three Kingdoms ?

Sur la carte de stratégie, en revanche, l’évolution est saisissante. Les titres, chacun à leur tour, ont apporté leur touche de complexité. Finis les rebelles génériques de Medieval II, l’interface convoluée des anciens titres, l’arbre des technologies fadasse, les cartes étriquées où l’on traverse le monde en quelques tours, l’absence de politique, et surtout bonjour à une splendide carte finement détaillée et à l’interface vraiment satisfaisante. Les mécaniques exclusives à chaque faction et les rosters diversifiés, qui sont la raison pour laquelle on joue en campagne, continuent à gagner en qualité à chaque DLC et titre qui sort, et cela se remarque même dans les titres les moins appréciés. Avec Warhammer est venue s’incruster une narration forte qui met en valeur les mécaniques de gameplay. C’est pourquoi on attend avec un certain respect les qualités stratégiques de Three Kingdoms. Saura-t-il tenir le niveau ?

Sur la thématique, les univers des Total War se sont remarquablement diversifiés les dernières années. Des îles pluvieuses de Grande-Bretagne à l’âge viking, de l’Europe tout entière durant les invasions barbares, jusqu’à l’univers fantastique de la licence Warhammer et très prochainement les guerres de l’équivalent de l’antiquité en Chine, la souplesse de la formule des Total War a fait ses preuves. Un petit mot sur la moddabilité des titres. La relative rudimentarité des anciens jeux laissait le champ libre pour les conversions totales, ce qui n’est plus le cas : les outils sont de plus en plus complexes et même dans certains cas indisponibles au grand public. Steam et son réseau communautaire ont également développé d’autres manières de modder le jeu. On ne verra vraisemblablement plus de mods d’ampleur comme Third Age, Divide and Conquer, Europa Barbarum II ou Call of Warhammer. C’est dommage, mais aussi assez prévisible, tant la qualité graphique et la quantité de travail mise dans les jeux a explosé. Pour finir, le modèle économique des Total War a suivi la norme actuelle et est tombé dans un entre-deux assez correct entre trop et pas assez de DLCs, suite aux torrents de rage ayant déferlé en raison de la politique de marketing de Rome II. Cela s’est fait dans la douleur, mais désormais, la balance s’est corrigée dans le bon sens. Cela va de pair avec l’attention à la communauté, qui n’est sans doute pas étrangère au succès des derniers jeux auprès du public. Creative Assembly est redevenu assez populaire auprès des joueurs après le creux de la vague de la sortie de Rome II. Cela n’a l’air de rien, mais sans ces derniers points, Total War ne serait pas là où la série en est actuellement. Alors, qu’attendre de Three Kingdoms ?



Le champ de bataille

Eh bien, rien d’extraordinairement neuf. Tout d’abord, une nouvelle de poids aurait été un nouveau moteur graphique pour les batailles. Mais ce n’est pas le cas, et si le rendu est tout à fait correct, on sent bien qu’il tire aux limites de ses capacités un engin mis en route il y a des années de cela. Que ce soit juste ou non, le jeu est attendu au tournant pour ses batailles et les graphismes y jouent beaucoup.
La nouveauté la plus importante, c’est sans doute le nouveau degré de taille d’unité Extrême, qui permettra d’afficher pas loin d’une dizaine de milliers de combattants en simultané, apportant les batailles à une autre échelle. Les conséquences sur le gameplay d’une telle masse de soldats ne sont pas anodines non plus, puisque la durée des batailles (et de leur climax) devrait s’allonger. En effet, la tendance ces dernières années allait vers des batailles courtes et intenses, à la grande joie du multijoueur, et au regret des dinosaures tels que moi.

Le système de héros introduit avec Warhammer sera plus ou moins importé dans une ère historique, ce qui à la fois varie les stratégies et facilite la prise en main par les nouveaux joueurs. Avec les héros viennent les duels, une interaction bienvenue, même si le contrôle tactique du joueur semble un brin hasardeux sur leur issue. De même, on assiste au retour en fanfare des capacités déclenchables dans un titre historique, qui avaient laissé un souvenir mitigé dans Rome II. En tant que mécanique, en effet, ce n’est ni immersif ni satisfaisant de cliquer sur une icône pour varier quelques statistiques de manière immédiate et invisible sur le champ de bataille. Les formations d’unité, en revanche, sont visiblement aussi de retour, et c’est une excellente chose, car elles contiennent une réelle prise de décision qui a un impact visuel agréable et un impact de gameplay à long terme.

L’intelligence artificielle, qui est pour ainsi dire passée de la maternelle à l’école primaire ces derniers temps, semble avoir redoublé son CM2. Les replays de streamers ont laissé une impression assez confuse d’une intelligence artificielle encore trop passive et trop facile à leurrer. Mais cela se comprend dans la perspective des développeurs. Pourquoi investir maintenant dans le développement à la main d’une IA, quand dans quelques années tout au plus le deeplearning aura pris le relais ?

L’interface s’est en revanche encore peaufinée, et c’est une vraie bonne nouvelle. La comparaison avec Imperator : Rome, des studios Paradox, sorti très récemment avec une interface en carton mouillé, prouve encore une fois qu’une interface lisible et intuitive est la clef d’une immersion réussie. Chaque titre a fait des bonds géants dans la bonne direction, et c’est aussi pour ça que les batailles arrivent à donner l’air actuel à un moteur grisonnant.
En termes de scénarios, la sainte trinité bataille ouverte-siège-embuscade est visiblement au rendez-vous, bien que des batailles un peu plus pimentées aient été présentées lors des événements. C’est un des points faibles des Total War depuis des années. Et pas de batailles navales.

Concernant la variété des unités… c’est spécial. Au lancement du jeu, hors DLC, il y aura 68 unités différentes que se partageront les douze factions. En comparaison de la quarantaine d’unités uniques disponible par faction dans Warhammer 1&2, c’est très faible. En revanche, l’on voit apparaître des nouveautés tactiques intéressantes : certaines unités hybrides (mêlée/distance) peuvent par exemple adopter des formations où elles peuvent à la fois combattre au corps-à-corps sur les premiers rangs et tirer à l’arc sur les derniers. C’est une excellente manière de varier l’utilité et la stratégie d’unités au design déjà vu.
Encore une fois, la comparaison avec Warhammer, qui a des batailles extrêmement satisfaisantes à mener, est à faire avec des pincettes, tant on change d’univers. Mais sans aucun doute, les expériences faites ses dernières années vont alimenter en bien l’expérience sur le champ de bataille ?

Pour résumer, les batailles ne sont pas le centre de l’effort de Three Kingdoms. Elles seront sans doute toujours plaisantes à jouer, mais la stagnation graphique se voit et l’effet des petites améliorations de ci-de là ne se fera certainement pas sentir au cœur de l’expérience de jeu.


La carte de campagne

Le paquet a été mis sur la qualité des campagnes. Il est vrai qu’elles traînent quelques boulets dont elles n’arrivent pas à se débarrasser depuis le tout début des Total War. Le palier de pouvoir de fin de campagne, l’hébétude de l’IA, le manque de véritable objectif personnalisé et de narration, les factions clones, les mécaniques et la technologie copié-collé d’une faction à l’autre, la diplomatie plate, etc – tout cela a été examiné de près dans les dernières années et petit à petit remis à niveau. Three Kingdoms se fait la synthèse de toutes ces expériences puisqu’il propose deux modes de jeu. Le mode Classique, une émulation plus historiquement fidèle dans la veine des anciens titres, se coupe d’une partie des fonctionnalités les plus fantastiques et s’adresse aux fanatiques d’histoire. Le mode Romance est une interprétation plus libre, qui fera peut-être s’arracher les cheveux des historiens, mais qui vient insuffler une narration plus épique à la campagne.

L’objectif ultime, dans tous les cas, est de grimper les échelons parmi les douze Seigneurs jouables et de se proclamer empereur de mandat divin, puis de survivre sans flancher aux assauts des rivaux et des traîtres. Recette déjà testée avec succès dans Shogun 2, elle est ici étoffée par une diplomatie des plus complexes. En termes de gestion pure, de nouvelles ressources comme la nourriture et la population font leur apparition. L’interface, encore une fois, est ciselée avec amour et offre une perspective agréable et pratique sur le jeu. Chaque faction, de plus, a droit à un style de jeu bien défini et des mécaniques uniques, et chaque Seigneur a sa ligne narrative écrite, avec dilemmes et prises de décision définitives à la clef. On part donc sur une base alléchante.

Mais le véritable cœur de la campagne, ce sont les personnages. Un travail énorme a été fait pour donner de la profondeur à leur gameplay, au risque de le rendre un peu confus pour le néophyte. Il existe deux types de personnages : les personnages légendaires (ceux qui tiennent le fusil) et les personnages génériques (ceux qui creusent). Les premiers ont droit à un arc narratif, à un ancrage prédéterminé dans le jeu et à un réseau de relations fait d’amitié, d’amour et de haine avec les autres personnages. Les seconds apparaissent au fur et à mesure du jeu et viendront remplir les fonctions de généraux, d’espions, de gouverneurs, etc. C’est là que le jeu prend un virage nouveau. Un personnage peut remplir n’importe quelle fonction, un général peut très bien être aussi un espion, un gouverneur devenir un général ou un homme d’état. Chaque personnage a des affinités plus ou moins marquées pour un rôle, via un système de traits plus ou moins inspiré des quatre éléments (vent, eau, feu, terre) classiques chinois. Asseyez-vous, voilà une aspirine. Chaque personnage, en plus, a un genre de classe (lettré, leader, diplomate ou combattant, par exemple), et une jauge de loyauté. De plus, il aura des relations plus ou moins compliquées avec chacun des autres personnages de sa connaissance et des ambitions. C’est effectivement un peu circonvolué, mais l’interface aide pas mal à s’y retrouver.


Bilan

Encore une fois, la formule des Total War se renouvelle en profondeur. Les campagnes étaient rarement notables dans les titres précédents, mais c’est visiblement le point focal de cette sortie. La narration, un élément qui est paradoxalement primordial dans un jeu bac-à-sable comme un Total War, semble tirer les mécaniques vers le haut. C’est un très bon point. En revanche, les batailles laissent un peu plus perplexes. Malgré quelques innovations bien venues dans un système solide ayant déjà fait ses preuves, le manque de variété d’unités et les graphismes un peu à la traîne ne laissent pas supposer de dépaysement particulier. L’attention à l’interface est très soignée, ce qui un excellent signe pour l’immersion et l’expérience. Plus d’infos très bientôt !

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