Suite aux divagations farassiennes annexophiles m'est revenu à l'esprit une réflexion qui parfois vient m'interpeller de son robuste point d'interrogation, et c'est donc l'occasion ici d'ouvrir un petit sujet sur la chose ...
Point n'est question ici d'aborder la question de la représentation de l'Allemagne en France : il y aurait sur cette question suffisamment de matière sans doute pour plusieurs travaux universitaires, en variant les angles d'approche ... Non, puisque nous sommes ici sur un forum où la question militaire prime, nous nous cantonnerons prioritairement à celle-ci, quitte à parfois extrapoler quelque peu.
L'interrogation primordiale vient de ce simple constat : la Prusse fascine les amateurs de gueguerre. Il suffit de se balader un peu sur les fora consacrés à l'art cher à Sun Tzu pour voir fleurir les pseudonymes teutonophiles, les avatars prussianisants et les signatures grossdeutschlandesques. Et inversement, en réaction, quelques mauvais esprits peu amènes envers la nation du vieux Fritz, tel que l'ami Faras mais en moins troll.
Pour jouer cartes sur table, j'expose mon point de vue. Je suis (un peu) germanophone, fondamentalement très attiré par la culture germanique et d'origines polonaises, ce qui guérit promptement de toute attirance excessive pour le casque à pointes tout en me laissant assez germanophile. Et surtout, je me questionne grandement sur cette fascination autour d'une Prusse vue comme une sorte de superpuissance militaire peuplée d'übersoldaten en puissance.
Je précise que je dis Prusse car il me semble que cet engouement pour les biceps teutons remonte à l'image d'Epinal de la Prusse du XVIIIe, qui donna celle qui nous fit si mal à Sedan, source du Reich des Stosstruppen de la Grande Guerre et des Waffen SS de la Seconde. Et ce prestige de la Prusse XVIIIèmiste n'est à mon avis pas pour rien dans l'éclat qui semble rejaillir des armures chatoyantes des chevaliers teutoniques ...
Dans le monde vidéoludique, cela se traduit souvent par des unités assez cheatées, soit dit en passant ... Ca mérite d'être noté aussi.
Or, il me semble que cet "exemple" prussien tient bien plutôt de l'imagerie d'Epinal que d'une réalité historique concrète. De la même manière, les Autrichiens sont souvent perçus comme des nullos finis, tant dans les jeux que dans les communautés qui s'y intéressent, ce qui m'apparait comme un jugement bien sévère. En tout cas, il n'y a pas le même intérêt pour l'Autriche, qui pourtant a pendant des siècles exercé son leadership sur le monde germanique et tenté une expérience multiculturelle pour le moins audacieuse : l'Empire, le vrai, c'est initialement celui des Habsbourg, dans la sphère teutonne. Pourtant, comme ils ont échoué au XIXe, ils sont désormais relégués aux oubliettes de nos représentations au profit de leur vainqueur du moment, qui a su se montrer beaucoup plus opportuniste. Pour autant, cela peut-il justifier une telle attirance pour les gros bras prussiens ?
Pour une Nation de soldats d'élite experte en l'art de la guerre, il me semble pourtant que le fait d'avoir provoqué et perdu les deux conflits mondiaux (les eux derniers gros conflits européens en date, quand même) a de quoi faire réfléchir ... Et si l'on remonte plus avant dans l'histoire ... Napoléon et Davout liquident l'héritage de la guerre de 7 ans en un jour. Et cet héritage lui-même ... Frédéric II sauve sa peau de manière miraculeuse grâce à la germanophilie irraisonnée du nouveau tsar ; il parvient à arracher une victoire à la Pyrrhus qui laisse la Prusse exsangue démographiquement et économiquement après avoir brûlé toutes les ressources humaines à sa disposition ... En guise d'übersoldat, le soldat prussien du vieux Fritz est bien plutôt un repris de justice ou un paysan de n'importe où recruté de force ; dans le meilleur des cas il s'agira d'un mercenaire expérimenté, ce qui n'est déjà pas si mal il est vrai. Mais on est loin de l'imaginaire collectif autour d'une armée prussienne invincible : les victoires sont souvent coûteuses, permises par l'incompétence de l'ennemi (que le général prussien exploite certes à merveille), les difficultés inhérentes aux armées de coalition dans bien des cas, et les défaites ne manquent pas. Alors oui, il y a un fondement dans l'idée selon laquelle la Prusse est une armée qui dirige un Etat et non l'inverse, mais quelle armée ... De bric et de broc, bien peu nationale, comme la plupart des armées de son temps. Remontons encore : la Prusse nait grâce à la temporaire bienveillance de la Rzeczpospolita bien assez occupée ailleurs pour risquer de se créer un nouvel ennui avec elle, et est issue d'une expérience certes brillante par moments mais qui se solde finalement par un écrasement : celle des chevaliers teutoniques. Lesquels viennent en Europe après s'être faits écraser en Terre Sainte et ne sont pas plus illustres que les Templiers ou Hospitaliers, qui n'ont pourtant pas la même image dans les mentalités actuelles. Certes, ils sont appelés par le duc de Mazovie pour avoir de bons combattants à la frontière de la Chrétienté, pour autant, leurs débuts face aux Mongols sont pas plus reluisants que ceux des Polonais. Une fois installés face aux Pruthènes, certes, ils font leur boulot consciencieusement, mais dès qu'ils doivent affronter un ennemi plus "sérieux", les revers ne manquent pas d'arriver : Novgorod, la Lituanie, voilà des entités solides sur lesquelles se briser les dents. Tout ceci pour finir brisés par les Polono-Lituaniens.
Alors pourquoi une telle fascination pour cette Prusse finalement souvent trop gourmande pour ses capacités ? L'imaginaire tend à nous les représenter en super soldats combattant en petite troupe d'élite face à des hordes sauvages de qualité médiocre mais pouvant parfois les vaincre grâce à leur nombre ... J'ai déjà évoqué le cas du Vieux Fritz, chez qui ça me semble déjà bien excessif, mais on peut examiner les autres cas pareillement.
Napoléon et Davout étaient en sous-nombre face à leurs opposants respectifs ; pourtant, c'est Berlin qui sera pavoisée de tricolore.
En 14-18, la puissance démographique est longtemps du côté allemand, du fait des difficultés à mobiliser toutes les énergies chez les alliés. Certes, les Stosstruppen font parfois merveille, mais en contrepartie, le niveau moyen des autres unités est, de l'avis unanime, inférieur à celui des forces alliées. Niveau matos, les avions allemands font jeu égal avec leurs opposants, mais les Français sont à la pointe de l'arme blindée ...
En 39-45, l'idée est que les hordes soviétiques et le surnombre quantitatif anglo-saxon (appuyé par la puissance productive de ceux-ci) viennent à bout des Allemands. La réalité est tout de même plus complexe ... Les Waffen SS ont encore aujourd'hui souvent l'image de soldats d'élite, quand il s'agissait pour la majorité d'unités somme toute médiocres (exception faite de quelques unités effectivement de grande qualité). Et l'URSS, alors, ne serait venue à bout du Reich qu'à grands coups de vagues humaines ... Pourtant, même si les généraux russes étaient pour la plupart peu avares en vies humaines et si certains d'entre eux étaient d'une nullité confondantes, il n'en reste pas moins qu'une fois le premier choc encaissé, les pertes soviétiques cessent d'être démesurées si on les compare à celles des Allemands et de leurs alliés. Même au début de Barbarossa, le matériel allemand s'avère par certains égards inférieur à celui de l'armée rouge (un KV-1 en état de marche peut jouer au tir au pigeon face à une unité entière de blindés allemands) ; par la suite, les T-34 sont de l'avis général le meilleur compromis possible entre simplicité, robustesse et production de masse, et les avions alliés sont loin d'être inférieurs à leurs homologues allemands. Si on parle de la guerre à l'ouest, même la campagne de France est loin d'être une promenade de santé (de même que la campagne de Pologne, du reste), et son succès est avant tout permis par les capacités des commandants de la Wehrmacht comparées à celles de l'état major français ... Même au niveau du matériel, le problème est surtout doctrinal : en terme de qualité pure, les Français alignent de meilleurs chars et des avions presque aussi performants pour la plupart.
Quant aux chevaliers teutoniques, même s'ils combattent souvent en infériorité numérique, non seulement ce n'est pas toujours le cas (lors de la guerre de treize ans notamment), mais quand bien même, un rapport de forces de 2 contre 3 comme à Grunwald n'est pas si accablant pour des soldats "d'élite" : c'est même le propre de ceux-ci d'être supposés capables de l'emporter dans de telles conditions. Pourtant, leur écrasement en 1410 est total.
En résumé, il me semble que l'armée "prussienne" a souvent fait preuve d'un excès de confiance ou d'un mépris de l'adversaire qui lui a tout aussi souvent coûté cher. Pourtant, elle continue à être montrée en exemple et à avoir un immense prestige, qui transparait tant dans les jeux vidéos que dans la petite communauté des amateurs de stratégie.
Bref, si vous avez d'autres éléments que ceux que j'avance pour expliquer l'image dont continue de jouir la Prusse militairement parlant, je suis preneur, que vous soyez admirateurs du roi-sergent ou au contraire, un détestateur de l'hégémonie teutonne.
Point n'est question ici d'aborder la question de la représentation de l'Allemagne en France : il y aurait sur cette question suffisamment de matière sans doute pour plusieurs travaux universitaires, en variant les angles d'approche ... Non, puisque nous sommes ici sur un forum où la question militaire prime, nous nous cantonnerons prioritairement à celle-ci, quitte à parfois extrapoler quelque peu.
L'interrogation primordiale vient de ce simple constat : la Prusse fascine les amateurs de gueguerre. Il suffit de se balader un peu sur les fora consacrés à l'art cher à Sun Tzu pour voir fleurir les pseudonymes teutonophiles, les avatars prussianisants et les signatures grossdeutschlandesques. Et inversement, en réaction, quelques mauvais esprits peu amènes envers la nation du vieux Fritz, tel que l'ami Faras mais en moins troll.
Pour jouer cartes sur table, j'expose mon point de vue. Je suis (un peu) germanophone, fondamentalement très attiré par la culture germanique et d'origines polonaises, ce qui guérit promptement de toute attirance excessive pour le casque à pointes tout en me laissant assez germanophile. Et surtout, je me questionne grandement sur cette fascination autour d'une Prusse vue comme une sorte de superpuissance militaire peuplée d'übersoldaten en puissance.
Je précise que je dis Prusse car il me semble que cet engouement pour les biceps teutons remonte à l'image d'Epinal de la Prusse du XVIIIe, qui donna celle qui nous fit si mal à Sedan, source du Reich des Stosstruppen de la Grande Guerre et des Waffen SS de la Seconde. Et ce prestige de la Prusse XVIIIèmiste n'est à mon avis pas pour rien dans l'éclat qui semble rejaillir des armures chatoyantes des chevaliers teutoniques ...
Dans le monde vidéoludique, cela se traduit souvent par des unités assez cheatées, soit dit en passant ... Ca mérite d'être noté aussi.
Or, il me semble que cet "exemple" prussien tient bien plutôt de l'imagerie d'Epinal que d'une réalité historique concrète. De la même manière, les Autrichiens sont souvent perçus comme des nullos finis, tant dans les jeux que dans les communautés qui s'y intéressent, ce qui m'apparait comme un jugement bien sévère. En tout cas, il n'y a pas le même intérêt pour l'Autriche, qui pourtant a pendant des siècles exercé son leadership sur le monde germanique et tenté une expérience multiculturelle pour le moins audacieuse : l'Empire, le vrai, c'est initialement celui des Habsbourg, dans la sphère teutonne. Pourtant, comme ils ont échoué au XIXe, ils sont désormais relégués aux oubliettes de nos représentations au profit de leur vainqueur du moment, qui a su se montrer beaucoup plus opportuniste. Pour autant, cela peut-il justifier une telle attirance pour les gros bras prussiens ?
Pour une Nation de soldats d'élite experte en l'art de la guerre, il me semble pourtant que le fait d'avoir provoqué et perdu les deux conflits mondiaux (les eux derniers gros conflits européens en date, quand même) a de quoi faire réfléchir ... Et si l'on remonte plus avant dans l'histoire ... Napoléon et Davout liquident l'héritage de la guerre de 7 ans en un jour. Et cet héritage lui-même ... Frédéric II sauve sa peau de manière miraculeuse grâce à la germanophilie irraisonnée du nouveau tsar ; il parvient à arracher une victoire à la Pyrrhus qui laisse la Prusse exsangue démographiquement et économiquement après avoir brûlé toutes les ressources humaines à sa disposition ... En guise d'übersoldat, le soldat prussien du vieux Fritz est bien plutôt un repris de justice ou un paysan de n'importe où recruté de force ; dans le meilleur des cas il s'agira d'un mercenaire expérimenté, ce qui n'est déjà pas si mal il est vrai. Mais on est loin de l'imaginaire collectif autour d'une armée prussienne invincible : les victoires sont souvent coûteuses, permises par l'incompétence de l'ennemi (que le général prussien exploite certes à merveille), les difficultés inhérentes aux armées de coalition dans bien des cas, et les défaites ne manquent pas. Alors oui, il y a un fondement dans l'idée selon laquelle la Prusse est une armée qui dirige un Etat et non l'inverse, mais quelle armée ... De bric et de broc, bien peu nationale, comme la plupart des armées de son temps. Remontons encore : la Prusse nait grâce à la temporaire bienveillance de la Rzeczpospolita bien assez occupée ailleurs pour risquer de se créer un nouvel ennui avec elle, et est issue d'une expérience certes brillante par moments mais qui se solde finalement par un écrasement : celle des chevaliers teutoniques. Lesquels viennent en Europe après s'être faits écraser en Terre Sainte et ne sont pas plus illustres que les Templiers ou Hospitaliers, qui n'ont pourtant pas la même image dans les mentalités actuelles. Certes, ils sont appelés par le duc de Mazovie pour avoir de bons combattants à la frontière de la Chrétienté, pour autant, leurs débuts face aux Mongols sont pas plus reluisants que ceux des Polonais. Une fois installés face aux Pruthènes, certes, ils font leur boulot consciencieusement, mais dès qu'ils doivent affronter un ennemi plus "sérieux", les revers ne manquent pas d'arriver : Novgorod, la Lituanie, voilà des entités solides sur lesquelles se briser les dents. Tout ceci pour finir brisés par les Polono-Lituaniens.
Alors pourquoi une telle fascination pour cette Prusse finalement souvent trop gourmande pour ses capacités ? L'imaginaire tend à nous les représenter en super soldats combattant en petite troupe d'élite face à des hordes sauvages de qualité médiocre mais pouvant parfois les vaincre grâce à leur nombre ... J'ai déjà évoqué le cas du Vieux Fritz, chez qui ça me semble déjà bien excessif, mais on peut examiner les autres cas pareillement.
Napoléon et Davout étaient en sous-nombre face à leurs opposants respectifs ; pourtant, c'est Berlin qui sera pavoisée de tricolore.
En 14-18, la puissance démographique est longtemps du côté allemand, du fait des difficultés à mobiliser toutes les énergies chez les alliés. Certes, les Stosstruppen font parfois merveille, mais en contrepartie, le niveau moyen des autres unités est, de l'avis unanime, inférieur à celui des forces alliées. Niveau matos, les avions allemands font jeu égal avec leurs opposants, mais les Français sont à la pointe de l'arme blindée ...
En 39-45, l'idée est que les hordes soviétiques et le surnombre quantitatif anglo-saxon (appuyé par la puissance productive de ceux-ci) viennent à bout des Allemands. La réalité est tout de même plus complexe ... Les Waffen SS ont encore aujourd'hui souvent l'image de soldats d'élite, quand il s'agissait pour la majorité d'unités somme toute médiocres (exception faite de quelques unités effectivement de grande qualité). Et l'URSS, alors, ne serait venue à bout du Reich qu'à grands coups de vagues humaines ... Pourtant, même si les généraux russes étaient pour la plupart peu avares en vies humaines et si certains d'entre eux étaient d'une nullité confondantes, il n'en reste pas moins qu'une fois le premier choc encaissé, les pertes soviétiques cessent d'être démesurées si on les compare à celles des Allemands et de leurs alliés. Même au début de Barbarossa, le matériel allemand s'avère par certains égards inférieur à celui de l'armée rouge (un KV-1 en état de marche peut jouer au tir au pigeon face à une unité entière de blindés allemands) ; par la suite, les T-34 sont de l'avis général le meilleur compromis possible entre simplicité, robustesse et production de masse, et les avions alliés sont loin d'être inférieurs à leurs homologues allemands. Si on parle de la guerre à l'ouest, même la campagne de France est loin d'être une promenade de santé (de même que la campagne de Pologne, du reste), et son succès est avant tout permis par les capacités des commandants de la Wehrmacht comparées à celles de l'état major français ... Même au niveau du matériel, le problème est surtout doctrinal : en terme de qualité pure, les Français alignent de meilleurs chars et des avions presque aussi performants pour la plupart.
Quant aux chevaliers teutoniques, même s'ils combattent souvent en infériorité numérique, non seulement ce n'est pas toujours le cas (lors de la guerre de treize ans notamment), mais quand bien même, un rapport de forces de 2 contre 3 comme à Grunwald n'est pas si accablant pour des soldats "d'élite" : c'est même le propre de ceux-ci d'être supposés capables de l'emporter dans de telles conditions. Pourtant, leur écrasement en 1410 est total.
En résumé, il me semble que l'armée "prussienne" a souvent fait preuve d'un excès de confiance ou d'un mépris de l'adversaire qui lui a tout aussi souvent coûté cher. Pourtant, elle continue à être montrée en exemple et à avoir un immense prestige, qui transparait tant dans les jeux vidéos que dans la petite communauté des amateurs de stratégie.
Bref, si vous avez d'autres éléments que ceux que j'avance pour expliquer l'image dont continue de jouir la Prusse militairement parlant, je suis preneur, que vous soyez admirateurs du roi-sergent ou au contraire, un détestateur de l'hégémonie teutonne.
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