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  • [Tribune] Warhammer et le succès


    Warhammer et le succès
    Il y a des tas de trucs contestables dans Warhammer, si l’on cherche bien. Scénario ? A force de tordre une tagliatelle, on obtient une farfalle, et en tordant une farfalle, elle finit par casser. Originalité ? Ca doit être un sport olympique chez les Anglo-Saxons de retourner une carte puis de faire croire qu’on a inventé un univers. Cohérence ? Ça doit être génétique en fait. Accessibilité ? Ça rime assez mal avec Games Workshop. Ouverture d’esprit ? On raconte que même l’extrême-droite rougit en lisant les clichés des livres sur l’Araby. Qualité artistique ? Je serais un crayon je me taillerais à mort pour éviter de tracer des trucs aussi moches. Niveau intellectuel ? Alors c’est un Géant, et quand il pète, il tue des gens, et ça rime \o/.

    Et pourtant ça marche.

    La légende murmure que ce sont les mêmes qui se sont occupés de la com' de la Mairie de Paris

    On n’est pas ici pour parler nostalgie. Parce que c’était encore pire avant (voir les articles de CptSparke sur l'histoire du lore ici). Les jeux de rôle et de plateau ont charmé les générations d’avant, le jeu vidéo et Internet attirent les nouvelles, et j’ai vécu la charnière. La première force de l’univers Warhammer, c’est son mode de consommation. Le jeu de rôle a généré des romans écrits par des amateurs et d’innombrables heures de jeu. Internet a généré des fan-fictions et des memes à n’en plus finir. Les jeux de plateau et les figurines ont généré des tournois et des rencontres. Le jeu vidéo génère tout autant de jeux plus ou moins confidentiels et de mods. En d’autres termes, l’univers se renouvelle par la base.

    Ce n’est pas le cas pour Tolkien. Pas pour Game of Thrones. Pas pour la pléthore de copies conformes d’epic fantasy les Chevaliers d'Emeraude n'ont JAMAIS existé vous m'entendez. Tous ces univers étendus tiennent à une ou deux œuvres mises en place par deux ou trois icônes indétrônables, dont découle vers le bas le flot de création qui fait leur popularité.

    Dans les univers dérivés de Warhammer, les romans, les jeux, la plupart de ce qui en fait l’icône culturelle qu’il est vient d’en bas, des consommateurs. Cette créativité est facilitée par la célébrité de l’univers, par sa souplesse, par la variété des genres auxquels il se prête et par l’absence de cohérence du lore. Cela empêche aussi de tomber dans un des travers des univers construits, qui est l’essoufflement. En revanche, le travers bien spécifique de ces univers tentaculaires aux mille visages est la qualité variable des réalisations, sans garde-fou ni contrôle, et Warhammer tombe souvent dans le panneau.

    Ça explique certainement une partie du succès et des défauts inhérents à Warhammer.

    En conclusion, j’ai envie de comparer Warhammer à Dungeons & Dragons. Histoire différente et produits différents. Mais même créneau narratif, même développement par la base, même diversité de productions et même succès. Même bordel sans nom qu’on a tous trafiqué une fois, dont on déteste les défauts mais qu’on ne changerait pour rien au monde, même tambouille que l’on rêverait d’unifier dans une synthèse claire et harmonieuse. Alors, pourquoi Warhammer a persisté là où Dungeons & Dragons a été délaissé ? Je crois surtout que D&D n’a jamais quitté son côté inaccessible pour puristes, il n’a jamais tourné la page du support papier, il a oublié de se renouveler. La 2ème édition a été érigée sur un piédestal, et c’était déjà trop tard pour corriger ses défauts. Par ailleurs, le RPG a développé un souffle graphique et une telle accessibilité sur consoles et ordinateurs que les éditions d’Advanced Dungeons & Dragons sont vite apparues moches, mal écrites et illogiques. Le jeu de rôle a, en somme évolué, et Dungeons & Dragons, non. Warhammer a passé le virage et réintroduit même aujourd’hui une partie des valeurs du jeu de rôle dans l’imaginaire culturel de la génération suivante. Quelque part, tant mieux qu’il n’existe pas de chef d’œuvre de l’univers Warhammer.

    Aussi, vous l’avez compris, Warhammer est bien plus que le produit d’une génération, qui serait voué à disparaître avec elle.

    Je ferai peut-être une série d’articles dans le même genre de ceux sur Tolkien (à voir ici) sur divers aspects des jeux de rôle et des mécaniques derrière les mécaniques. Pour le plaisir, comme ça.


    Je m'excuse, ils étaient encore plus moches en fait

    PS : Ah, dernière chose, si vous me sortez « Et Games Workshop c’est pas censé être le pilier de la création de tout l’univers ? », j’invoquerai des Skavens pour vous ronger les pieds à mort je vous écrase sous le poids du tank de mon indifférence. Ok, je reconnais, ils ont porté pas mal de projets et ils ont tiré la direction artistique vers le haut. Pour le reste ils ont fait du profit, félicitations voilà une médaille.
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