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  • Histoire globale : synthèses et débats

    Bonjour

    Je vous propose une série de synthèses d'ouvrages et d'articles, voir de cours, évoquant le thème de l'histoire globale en tant qu'approche globalisée de l'histoire. Cette angle de vue est à mon sens complétement éludé de la plupart des jeux auxquels nous jouons et qui fondent leurs documentations sur une historiographie archaïsante que je vais tenter de dépoussiérer maladroitement (mes synthèses sont souvent faites dans des buts très pragmatiques pour mes cours donc le style n'est pas toujours au rendez vous).

    Bonnes lectures !

    1. L'histoire économique globale
    (synthèse fondée sur l'ouvrage du même nom de Philipe Norel)

    Spoiler:


    Introduction

    L’avance économique de l’Asie sur l’Europe est une réalité qui perdure jusqu’au XVIIe voire XVIIIe siècle. Needham (et sa monumentale série « Science et civilisation en Chine ») a montré que la Chine a précédé l’Europe de plusieurs siècles dans à peu près toutes les techniques productives de base. Entre 1500 et 1800, la population asiatique continue de croitre plus vite que celle de l’Europe. Urbanisation également plus forte et villes beaucoup plus grandes : en 1500, Pékin, Vijayanagar, Le Caire, Hangzhou et Tabriz sont les plus grandes villes du monde. Productivité plus forte également, y compris dans le domaine agricole et Europe reste déficitaire par rapport à Asie au niveau des échanges commerciaux jusqu’au XIXe siècle.
    Au début XVIe, détroit de Malacca = lieu de passage obligé pour poivre et épices d’Asie du Sud-Est, mais aussi pour soie, laque et porcelaine chinoise. Ces voies commerciales existent depuis des millénaires. Économie interconnectée donc, qui devient « économie globale » quand le continent américain lui est intégrée.
    Cette histoire économique globale est importante à l’heure de la montée de pays comme la Chine et l’Inde, mais il ne faut pas confondre histoire économique globale (qui prend naissance avec ce qu’on a appelé la World History) et histoire de l’économie mondialisée actuelle, qui est une marche vers l’intégration des marchés mondiaux, soit la formation d’un prix unique de chaque marchandise.

    Première partie : L’histoire économique n’est pas d’abord celle de l’Occident

    1. L’eurocentrisme de l’histoire économique traditionnelle
    « Nous concevons immédiatement l’Europe comme étant la seule à se moderniser, par ses propres moyens ou à peu près, la seule à connaitre une sorte de "progrès naturel", la seule finalement à faire son histoire… Symétriquement, le reste du monde est implicitement vu comme stagnant, empêtré dans la tradition, incapable d’un développement autodynamique. »

    a) La révolution industrielle est-elle un phénomène technique d’origine européenne ?

    Le cœur de la révolution industrielle résiderait dans l’application productive de quelques inventions bien connues : dans le textile, la navette volante de Kay (1733) et la spinning jenny de Hargreaves (1764), qui n’ont en réalité fait que perfectionner des techniques connues et utilisées ailleurs depuis longtemps (Chine entre les XIe et XIIIe siècles et transmises en Italie via monde musulman). Pour la machine à vapeur (Watt), le système de piston s’inspire de la roue à eau qui existe en Chine depuis le Ier siècle avant J-C. et qu’il a perfectionnée.
    Cela montre que l’économie est déjà hybride et interconnectée. Il en va de même dans la métallurgie : par exemple, les premiers hauts-fourneaux viennent de Chine (fin Xe siècle).

    b) Les XVIe et XVIIe siècles constituent-ils une période dominée par les économies européennes ?

    Si les Européens sont partis chercher si loin des métaux précieux, c’est parce qu’ils en manquaient cruellement au XVe siècle, car déficit commercial avec l’Orient. Des nombreuses tonnes d’argent arrivées d’Amérique en Europe, 40 % iront finalement à la Chine. Il ne faut pas non plus négliger la route Acapulco-Manille, qui permettait aux Espagnols d’acheter directement des produits de luxe chinois en échange de métaux précieux. La Chine en recevait également du Japon. Il faut cependant dire que le cours de l’argent en Chine était très élevé (deux fois plus cher en Chine qu’en Espagne), ce qui explique pourquoi il valait mieux pour les Européens l’échanger contre des biens chinois. Au contraire, l’or entrait en Europe.
    Pourquoi la Chine accordait-elle autant d’importance à l’argent ? En 1430, les Ming décident de percevoir l’impôt en argent, ce qui a provoqué un accroissement de la soif de ce métal, ce qui alimente une économie par ailleurs très dynamique. Les commerçants néerlandais, portugais et britannique ne sont donc que de simples intermédiaires, les simples agents d’un marché rentable.

    c) Les grandes « découvertes » sont-elles le fait du seul génie européen ?

    Le cap des Tempêtes aurait été franchi vers 1420 par un navire chinois ou indien, qui aurait ensuite pénétré dans l’Atlantique avant de revenir. Dans le premier tiers du XVe siècle, les jonques chinoises de Zheng He auraient atteint la côte Est de l’Afrique.
    En ce qui concerne le continent américain, les Vikings avaient déjà atteint Terre-Neuve vers l’an mil. Menzies affirme que Zheng He aurait abordé l’Amérique dès 1421 et y aurait fondé des colonies. Difficile de le suivre selon Norel. Selon d’autres témoignages, débarquement de marins musulmans aux Amériques entre les XIe et XIIIe siècles. Tentative d’expédition plausible, mais découverte peu plausible. Il n’y en a en tout cas que très peu d’indices.
    Quel crédit accorder à l’idée d’un progrès européen ? L’existence de l’école de Sagres, qui aurait été fondée par Henri le Navigateur, relève du mythe. Il y avait toutefois la Casa de Ceuta (puis Casa da Guiné) à Lagos (Algarve) pour préparer les expéditions, mais elle est plus modeste. Seules les premières cartes de la côte ouest-africaine seraient une innovation portugaise. L’astrolabe existait déjà dans la Grèce ancienne, la boussole est chinoise, tout comme le gouvernail. La voile latine serait une invention arabe ou persane.

    d) Quelle importance accorder à l’eurocentrisme ?

    Il se serait développé sur l’opposition entre Europe démocratique et « despotisme oriental », sur un contraste entre une Europe rationnelle et scientifique tournée vers l’esprit et Orient émotionnel, superstitieux tourné vers les valeurs du corps. Conséquence : formation d’une identité européenne « implicitement » raciste, à la base des discours colonialistes et impérialistes au nom de la propagation des valeurs de la civilisation.
    Il faut corriger l’eurocentrisme pour trois raisons immédiates :
    − Permettre à l’histoire des peuples discrédités d’exister en tant que telle et qui peut avoir des caractères spécifiques, originaux et totalement différents de ce que l’on connait en Europe ;
    − Montrer la part marginale de l’Europe dans la constitution de l’économie globale, mais aussi identifier les acteurs et les logiques de la circulation et des interactions transculturelles qui ont fait l’histoire économique globale ;
    − Comprendre les véritables ressorts des économies européennes, dont les facteurs explicatifs ne se situent pas toujours en Europe mais résultent parfois des interactions de celle-ci avec d’autres économies.

    2. Une économie interconnectée plurimillénaire

    a) Commerce de longue distance et diasporas

    Difficile de chiffrer le poids du commerce ancien de longue distance en regard de la production, c’est pourquoi il a été longtemps négligé et a mené à considérer comme anecdotique le retrait de l’Europe dans l’évolution économique de l’Europe son retrait du grand commerce entre le IVe et le XIIe siècle environ. Or, à ce moment, expansion inédite du reste du continent eurasien.
    Commerce d’épices, mais aussi rapidement des produits de masse. Chine ne commercialise sous les Tang (618-907) en mer de Chine que des produits de luxe, mais dès le XIe siècle, elle exporte ses laques, porcelaines et soieries, mais aussi du cuivre, des produits ferreux, des produits chimiques, du sucre, du riz et des livres, notamment vers l’Asie du Sud-Est. Importation de métaux précieux (bronze, argent, perles, étain) et de bois. Ce commerce n’est pas marginal et la demande des élites en denrées de luxe stimule celles-là à la production de denrées exportables qui serviront à compenser les importations. Cela favorise également une certaine division du travail, notamment au sein de la paysannerie.
    En Asie, commerce lointain basé essentiellement sur des diasporas (d’origine chinoise, juive, indienne, arabe, persane, etc.), constituées de marchands indépendants de la communauté qui les accueille et avec une identité culturelle forte. Ces agents disposaient d’une partie du capital de leur mandant et pouvaient donc prendre des risques ou agir de manière malhonnête, mais ils étaient dans ce cas punis et ne pourraient être réembauchés ailleurs ==> les rapports entre agents et marchands devaient donc être assez stables et peu conflictuels.

    b) La route de la soie et les intermédiaires sogdiens

    En 139 avant J-C, l’empereur Wudi demande à son officier Zhang Qian d’ouvrir la route de l’Ouest pour contourner les barbares xiongnu et établir des ambassades en Asie centrale. La Chine crée également des postes militarisés sur cette route de l’Ouest et colonise l’actuel Xinjiang, jusqu’au désert de Takla-Makan. Les peuples d’Asie centrale sont alors vassalisés et paient un tribut à l’empereur Han. Une partie du tribut est vendue par l’administration impériale à des marchands qui le diffusent auprès de leur clientèle, ce qui modifient les gouts et habitudes d’achat. Certaines productions vont alors être stimulées par cette demande étatique indirecte. En échange de chevaux du Ferghana pour son armée, l’empereur Wudi donne les premiers vêtements tissés de cette soie qui a fasciné longtemps les Occidentaux : la route de la soie est née. La soie se répand à Rome au tout début de l’ère commune.
    Durant les cinq siècles suivants, la route de la soie est animée par une diaspora particulière, les Sogdiens, issus d’une région d’Asie centrale. Au VIIe siècle, quand la dynastie Tang s’établit fermement au Xinjiang, les Sodgiens établis en Chine rachètent aux soldats chinois en garnison la soie qui les rémunère et contrôlent ainsi le trafic de celle-ci vers l’Ouest. Il semble que ce soit une combinaison de marchands qui accomplissent une tournée entre trois ou quatre villes, sur quelques centaines de kilomètres et de grandes compagnies commerciales, sans doute familiales (et même peut-être de familles aristocratiques). Le commerce se serait surtout pratiqué sous forme de troc.
    Après bataille sino-arabe de Talas (751), la route de la soie passe sous contrôle des Abbassides de Bagdad pour sa partie occidentale et de la dynastie chinoise des Tang pour sa partie orientale. Les échanges s’intensifient. Vers l’Ouest circulent soieries, laque, armes, céramique ; vers l’Est : cuir, chevaux, esclaves, encens et parfums, lainages et tapis, épices et teintures. Mais régionalisation du commerce avec baisse des spécialisations (fabrication de soieries arabes ou persanes) et guerres récurrentes.
    Route de la soie joue un rôle d’intégration sur le plan économique, mais aussi humain avec diffusion – par les marchands – des grandes religions et courants de pensée comme l’islam, le bouddhisme, le manichéisme et le nestorianisme.

    c) L’océan Indien, de l’Antiquité à l’intrusion portugaise

    L’ouest de l’océan Indien est l’objet, dès le IIe siècle avant J-C, d’un trafic entre Inde et Méditerranée. Le développement des échanges maritimes est également manifeste dans le golfe du Bengale et la mer de Chine. À partir du VIIe siècle, la coïncidence de l’Empire musulman et de la dynastie des Tang favorise ce commerce maritime. L’islam se diffuse dans tout l’océan Indien. Les commerçants arabes font la totalité du voyage (huit mois) et donc de nombreuses escales, ce qui provoquent la fondation de villes côtières. Les Arabes achètent au passage encens, chevaux, ivoire, cotonnades indiennes ==> développement de liens entre villes côtières et donc création de nouvelles routes caravanières aboutissant aux côtes.
    L’essor du commerce maritime dans l’océan Indien est dynamisé par dynastie des Song (960-1279) : mise au point de la grande jonque chinois aux Xe et XIe siècles. La cartographie chinoise et l’usage maritime de la boussole auraient aussi été décisifs. Les Song sont supplantés par les Yuan, mais cela ne remet pas en cause la participation chinoise du commerce avec le Sud.
    En terre d’islam, l’Égypte prend le contrôle et domine ce grand commerce musulman. La Méditerranée orientale est alors très peu ouverte aux étrangers, qu’on encourage à aller chercher les produits venus d’Orient dans les grands emporia de l’Égypte. La diaspora égyptienne se répand aussi dans l’Ouest de l’océan Indien.
    À la fin du XIIIe siècle, le commerce de l’océan Indien prend sa véritable dimension. Outre l’Égypte, qui reste en position charnière, trois centres l’animent : l’Europe, l’Inde et la Chine (Mongols puis Ming). Un nouvel itinéraire de commerce se développe alors sur la côte orientale de l’Afrique : les ports entrepôts s’y multiplient. Croissance économique de Gujarât qui permet d’en faire la plus importante diaspora de l’océan Indien. Les gujaratis s’implantent fortement à Malacca, port crucial fondé en 1402, et diminuent l’influence des Perses et des Arabes dans commerce occidental. Autour du détroit de Malacca, de nombreuses diasporas sont créées. Sous les Ming, la Chine pousse son exploration jusqu’à Aden, mais aucun réseau commercial n’est véritablement créé. Elle fait du port de Quanzhou le principal lieu de contact avec les étrangers.
    Géographiquement, le trafic est désormais divisé en trois, et très peu de commerçants effectuent encore la traversée entière entre Aden et la Chine. Des ports se développent. Traversée d’Aden à Calicut généralement, puis de Calicut à Malacca et enfin de Malacca à Canton et à Quanzhou. Aucun État ne cherche véritablement à contrôler tout ce réseau.
    Le commerce de l’océan Indien est structuré et rationnalisé. Les marins chargent généralement des marchandises à destination régionale (ce qui diversifie les risques), le crédit aux expéditions se développe dès le XIe siècle, ainsi que les lettres de change.

    d) Les réseaux commerciaux dans le monde musulman (VIIe-XIIIe siècles)

    La conquête musulmane a permis une unification de la classe marchande. L’échange dans le monde musulman, ce sont surtout des juifs. Ils sont bien acceptés par le califat car ils diffusent la langue arabe. Ils sont à la fois commerçants, artisans et banquiers et deviennent incontournables dans certains trafics, notamment dans l’approvisionnement de l’Orient en esclaves salves. Mais ils font commerce de toute marchandise. Deux autres communautés tirent leur épingle du jeu : les chrétiens de confession nestorienne ou jacobite et les chrétiens arméniens. En ce qui concerne les musulmans, il s’agit également de communautés hétérodoxes ; Kharijites et Rustémides.
    Les réseaux des marchands musulmans sont assez sophistiqués (ce qui témoigne d’une certaine rationalité marchande) et le maillage des échanges commerciaux est impressionnant. Il existe quatre façades commerciales :
    − Nord-Ouest, vers Sud de la Russie, Inde du Nord et Tibet, Chine ;
    − Sud-Est : lien entre Méditerranée et océan Indien, à partir de la mer Rouge et du golfe Persique ;
    − Sud-Ouest : innovation spectaculaire de l’Empire musulman : obtention d’or et d’esclaves du Soudan à travers le Sahara ;
    − Nord-Ouest : Byzance, région des fleuves russes, Occident chrétien.
    L’épaisseur du grand commerce afro-asien à relier les différentes économies sera par la suite utilisée par l’Europe à son profit.

    3. La circulation globale des savoir-faire

    L’Europe a rarement inventé de nouvelles techniques, mais a su capter des techniques déjà existantes, les perfectionner grâce au recul obtenu par la théorisation propre à la démarche scientifique.

    a) Techniques productives : l’incroyable legs chinois

    En matière d’agriculture, la Chine a cultivé selon des rangs et systématiquement biné dès le VIe siècle avant notre ère. Mais c’est surtout dans la création du soc à charrue métallique (VIe siècle avant J-C aussi) que son apport est sans doute le plus déterminant. Elle a été apportée d’Europe en Asie par les Hollandais au XVIIe siècle. C’est un apport fondamental pour révolution agricole de l’Europe aux XVIIe et XVIIIe siècles. Les Chinois ont également créé le harnais de trait (IVe siècle AC), la machine rotative à vanner le blé et le semoir à plusieurs tubes (IIe siècle AC).
    Le haut-fourneau est importé en Europe seulement au XVIe siècle. La Chine est surtout le pays de la porcelaine (au moins à partir du IIIe siècle), diffusée en Europe seulement au XVIIIe siècle. Le papier est inventé en Chine au IIe siècle AC et se répand très rapidement. La première fabrique européenne date seulement du XIIIe siècle cependant. L’imprimerie est sans doute apparue en Chine avant le VIIIe siècle.
    Des canaux impériaux sont creusés dès le IIIe siècle AC. La Chine a également inventé l’écluse, le gouvernail, la voile à bourcet (origine indonésienne), la compartimentation des cales, l’horloge mécanique, etc.

    b) Techniques destructives : les « empires de la poudre à canon »

    La poudre semble avoir été connue en Chine au moins depuis le IXe siècle après J-C, mais ce n’est qu’au XIIe siècle que la proportion minimale de salpêtre pour obtenir une détonation brutale est acquise, ce qui permet de catapulter des bombes vraiment explosives, puis de tirer vraiment efficacement n’importe quel projectile. Les bombes explosives sont transmises aux Mongols vers 1241, puis développées par les Arabes et utilisées contre les croisés en 1249. Les conquêtes mongoles sont donc en partie dues à la possession de ces tout premiers « fusils ». En 1326, il devient à Florence un véritable canon à tirer des projectiles métalliques. L’histoire ne s’arrête pas là : ce canon se retrouve dans le monde musulman, puis de nouveau en Chine, avant d’atteindre la Corée. Tout cela au cours du XIVe siècle. Mais c’est surtout dans la Turquie ottomane que le développement des armes à feu est le plus significatif. Les Turcs deviennent producteurs et exportateurs d’armement à poudre dès les années 1360.
    Au XVIe siècle, la diffusion des mêmes armes performantes dans l’Empire moghol en Inde, l’Empire ottoman et la Perse safavide crée une homogénéité de puissance entre ces trois pouvoirs. Cela aurait incité ces empires à la centralisation et à la modernisation du pouvoir, afin de trouver les ressources en cuir et en étain, contrôler leurs arsenaux et financer leurs artilleries (selon Hodgson). En tout cas, ces trois puissances ont pris une avance considérable en matière d’armement.
    Concernant les techniques destructives, l’Europe est pour les Orientaux, un partenaire utile, un lieu de perfectionnement d’innovations, mais surtout un pâle concurrent qui reste longtemps à la traine.

    c) Techniques commerciales et financières : l’héritage des diasporas orientales

    La route de la soie et l’océan Indien ont aussi constitué un important vecteur de transfert de plantes cultivées et des connaissances agronomiques entre les civilisations eurasiennes. Cela concerne la culture du riz (qui se diffuse depuis la Chine vers l’Asie du Sud-Est à partir du IVe millénaire AC), du coton indien (qui arrive en Irak vers 600 avant de gagner l’Afrique du Nord et l’Europe du Sud), du sucre (produit en Inde trois siècles avant notre ère) et du thé.
    Ce sont surtout des routes qui font circuler les techniques commerciales et financières. On peut citer les contrats d’association en vue d’une expédition commerciale maritime :
    − La commenda à Venise au XIIIe siècle, trouve son origine en Égypte trois siècles plus tôt. Un partenaire prête des capitaux à un marchand, souvent jeune et désargenté, pré-parant une expédition maritime, le premier supportant tous les risques quant au capital investi, restant sur place et récoltant une part importante des profits (souvent les ¾) ;
    − La colleganza à Venise : le marchand mise un tiers du capital et voyage contre la moitié des profits.
    − Qirād et mudāraba en Égypte : de faibles montants de capital sont avancés par des « petites gens » qui espèrent tirer profit des aventures maritimes, ce qui contribue à diffuser l’esprit commercial dans toute la population. Dans le second cas, le partenaire voyageant ne supporte aucun risque.
    La lettre de change aurait également pour origine l’hawāla arabe et surtout la suftaja persane, attestée dès le XIe siècle dans l’océan Indien, mais vraisemblablement présente dans la Perse antique. L’hawāla est un simple transfert de dette qui se réalise devant un notaire ou une cour de justice. La suftaja persane est émise par un banquier et soumise à des pénalités en cas de retard de paiement après présentation. Les Italiens ont perfectionné ces systèmes, en en faisant un instrument de change entre deux monnaies d’une part, et en l’utilisant comme un instrument de crédit susceptible de cacher le paiement d’un intérêt d’autre part. Sa sophistication est donc clairement européenne.
    Ces techniques proche-orientales ont sans doute été transmises à l’Europe par l’intermédiaire des Génois et des Vénitiens, quand ceux-ci obtiennent des comptoirs commerciaux en Syrie, au tout début du XIIe siècle. Gênes est considérée comme la source de la lettre de change et Venise celle de la commenda. D’autres techniques non européennes sont à citer : le fonduq, lieu d’entrepôt des marchandises du monde musulman, qui devient le fondaco à Venise. Pour ce qui est techniques commerciales et financières, les legs arabe et persan semblent réels, parfois hybridés avec des pratiques européennes plus anciennes.

    d) Les ressorts de l’invention et de l’innovation avant le XVIe siècle

    De nombreux exemples montrent qu’une supériorité technologique particulière, à un moment donné et pour une économie donnée, détermine ultérieurement une position dominante. Par exemple, dès le début du XVIe siècle, les Hollandais mettent au point le haringbuis, bateau équipé de filets tournants qui conserve le hareng de manière optimale. Cette innovation, qui parait anecdotique, permet aux Néerlandais de pêcher davantage, d’obtenir en échange bois et goudrons de Scandinavie, mais aussi des céréales polonaises et baltes. La revente de ces céréales leur permet d’accumuler des capitaux en ponctionnant une partie de l’argent des Amériques arrivant à Séville. La construction navale, favorisée par le bois obtenu en Baltique, leur permet ensuite, avec l’innovation de la flûte (bateau à cale renflée), de pénétrer commercialement dans l’océan Indien. La spécialisation de leur agriculture (fleurs, lin, chanvre, produits tinctoriaux), sur la base de l’obtention de leur alimentation de base en Pologne, stimule également leur industrie textile.
    On ne peut pas affirmer que seule la recherche d’une position dominante serait porteuse d’innovations techniques majeures, car cette position ne survient qu’après coup et pas toujours de manière intentionnelle. Cependant, l’exemple néerlandais montre que certaines innovations en entrainent d’autres en raison de la position dominante ou semi-dominante acquise grâce aux premières. Une position dominante spécifique, voire une position centrale dans un système-monde stimulerait l’innovation pour au moins trois raisons :
    − L’obligation pour le centre d’investir dans les technologies liées de près ou de loin à l’armement : exemple de la Chine des Song du Nord au XIe siècle, où la production de fonte est engagée dans des hauts-fourneaux.
    − La pression démographique interne oblige à innover dans l’agriculture : exemple de la Chine des Tang et des Song du Nord : la pression sur les terres proches du fleuve Jaune obligent à émigrer mais surtout à améliorer les techniques agricoles (adoption de nouvelles variétés de riz notamment). La même dynamique a lieu dans les Pays-Bas au XVIIe siècle (développement de l’horticulture et des plantes destinées au textile). Dans les deux cas, la position centrale requiert une population abondante, source à la fois d’une production exportable, d’un potentiel militaire et de ressources agricoles.
    − La recherche de gains de productivité, dans le secteur des biens exportables, est le stimulant décisif de l’innovation. Cela est perceptible dans les soieries et surtout la céramique chinoise : c’est dans les périodes Tang et Song que l’amélioration de la porcelaine devient significative. La boussole est généralisée par les Song pour leur navigation maritime, ce qui rend beaucoup plus efficace le transport de marchandises.

    Les pôles dominants seraient donc générateurs d’innovations. Mais il faut également d’autres conditions permissives, telles que l’existence en Chine d’une bureaucratie très tôt concernée par l’agriculture, l’irrigation et le transport des denrées aurait été déterminante.
    Comment se diffusent ensuite ces innovations ? Paradoxe : volonté générale des pôles de maintenir leurs innovations sur leur propre territoire, mais difficulté à les retenir longtemps. Jusque dans les années 1850, la Grande-Bretagne parvient à interdire l’émigration d’artisans détenteurs d’un savoir-faire original, mais elle réalise par la suite un revirement dans sa politique sous la pression constante des concurrents étrangers et à cause du mouvement de libéralisation. La Chine des VIIIe et XIe siècles pratique encore plus la rétention de ses innovations, mais celles-ci finiront toujours par sortir (papier et sel vers 751 aux musulmans, soie vers 550 à Byzance, boussole vers 1200 aux Européens). La diffusion se fait toujours via une certaine clandestinité.

    e) Comment les savoir-faire sont-ils appropriés et transformés ?

    Les réseaux commerciaux de longue distance impliquent des échanges de biens, de croyances, mais aussi de savoir-faire. Les marchands diffusent le bouddhisme de l’Inde vers la Chine, mais également des technologies clés issues de l’Inde : impression de caractères sur tissus ou encore combustion du salpêtre (qui donnera naissance à la poudre). Dans les deux cas, la Chine s’approprie ces méthodes mais les améliore également. Comme autres apports de l’Inde vers la Chine, on peut aussi citer le coton et l’artisanat textile (transférées vers 600).

    Deux conditions nécessaires doivent être mises en avant dans la transformation des innova-tions reçues, que cette transformation soit (ou pas) le fait d’un centre :
    1) Il semble primordial que les institutions locales permettent voire encouragent activement l’innovation technologique. Il n’est pas surprenant que ce soit sous la dynastie des Tang que la Chi¬ne absorbe et fasse évoluer des techniques opérationnelles importées de l’Inde tout en constituant un appareil d’État digne de ce nom. Cette dynastie est en effet connue pour ses profondes réformes institutionnelles : système des examens pour le recrutement des fonctionnaires, souci impérial d’amélioration agricole, appareil d’expansion militaire et commerciale dirigée par le pouvoir. Il y a également d’autres changements institutionnels significatifs, comme l’extension territoriale des marchés locaux, la commercialisation des biens de première nécessité organisée sur une base nationale, la contribution à l’émergence d’un marché de la terre, le travail libre. L’innovation tech-nologique peut par conséquent être mise en œuvre et rentabilisée grâce à ces marchés de facteurs. Ces réformes donnent également plus de moyens à l’État (car taxation indirecte et non plus directe).
    La constitution des États européens (Pays-Bas et Angleterre) au XVIIe siècle permet égale-ment l’innovation propre ou la transformation d’innovations. En Grande-Bretagne, le système des marchés similaire à celui de la Chine des Tang s’est toutefois mis en place dès les XIIe-XIIIe siècle, à une époque ou son économie est encore peu influente. La taxation de la paysannerie provoque – en favorisant l’importation et l’exportation – le décollement du marché de la terre au XIIIe siècle, de même que le marché du travail salarié. Les droits de propriétés sont également mieux protégés et des règles commerciales sont établies. La Grande-Bretagne voit en conséquence ses innovations se multiplier aux XIIIe et XIVe siècles (souvent par adoption et transformation) : rotation triennale des cultures, charrue à versoir, traction animale, densification des semis, utilisation de l’énergie hydrau-lique ou éolienne dans les activités de transformation.
    2) La rentabilité économique à tirer des innovations est le second facteur, tout aussi important. Elle est liée à trois éléments :
    − L’émergence des marchés intérieurs. La possibilité de rémunérer les facteurs de pro-duction engagés dans une nouvelle production crée évidemment la demande intérieure pour l’ensemble du produit fabriqué.
    − La possibilité des marchés extérieurs. Sous la dynastie des Song (960-1279), les hauts-fourneaux naissent se perfectionnent rapidement, entre autres parce que la fonte ou le fer sont massivement importés vers les steppes mongoles. C’est aussi parce que cette même dynastie libère complètement le commerce maritime de ses sujets que les jonques chinoises apparaissent et surpassent les navires étrangers.
    − L’approvisionnement suffisant en matières premières et en ressources naturelles. La Chine n’a pas utilisé sa machine à filer la soie et ne l’a pas perfectionnée faute de terres utilisables pour produire du coton dans les quantités susceptibles de rentabiliser cette machine.

    6. Systèmes-monde et hégémonies

    Dans l’ancien système-monde afro-eurasien, on repère la prééminence par les notions de centre et de cœur. Le statut correspondant est lié à quatre indicateurs : désirabilité extérieure des produits du centre, performances de « ses » commerçants, excédants courants durables, capacité à structurer économiquement les périphéries.
    Mais à partir du XVIe siècle, le système monde afro-eurasien commence à intégrer le nouveau continent américain ainsi que l’Afrique noire (conçue comme pourvoyeuse d’esclaves à destination de ce nouveau continent). Les conflits ouverts entre États européens traduisent par ailleurs une lutte structurelle pour la prééminence, au moins au sein du sous-système atlantique.
    Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, c’est toutefois la Chine qui influe les flux de métaux précieux, qui conserve les excédents courants les plus durables et voit la désirabilité de ses produits se pro-longer. Davenant, mercantiliste du XVIIe siècle, disait que quiconque contrôlerait le commerce de l’Asie serait en position d’« imposer sa loi à l’ensemble du monde commercial ».
    Un système-monde capitaliste est cependant en gestation à cette époque à partir de l’Europe. Ce système-monde aurait connu successivement quatre puissances leaders. Au XVIe siècle, Braudel situe plutôt le centre à Anvers et Arrighi à Gênes. Au XVIIe siècle, les Provinces-Unies prennent le leadership en s’appuyant sur la qualité de leurs bateaux de pêche en Baltique. Dans le cas néerlan-dais, la synergie entre commerce européen, production d’artefacts et financement de ses expéditions en Asie est totale (cf. chapitre 3). En dernier ressort, c’est bien la présence active en Asie qui main-tient le leadership en Europe. Et c’est précisément parce qu’ils arrivent à les supplanter dans l’océan Indien que les Britanniques saisissent ce leadership vers le milieu du XVIIIe siècle. Mais ils vont ajouter aux atouts néerlandais une présence politique et coloniale en Asie du Sud et évidemment les capacités que leur donne la fameuse révolution industrielle. Leur domination durera jusqu’en 1914, l’entre-deux-guerres précipitant leur remplacement par les États-Unis, à partir de 1945. Maintenant, on s’interroge quant à l’apparition d’un système multipolaire, voire celle d’un nouveau centre.
    On relèvera que cette histoire du système-monde est évidemment imbriquée avec celle de l’émergence du capitalisme et de ce qu’il faut appeler « l’essor de l’Occident ». Nous allons main-tenant relever l’incertitude des termes : Gênes, les Pays-Bas, la Grande-Bretagne puis les États-Unis sont-ils des « centres », des « cœurs », des « puissances dominantes » ? Aujourd’hui, on parle plutôt d’« hégémon ».

    a) Le concept d’hégémonie, de Kindleberger à Arrighi

    Kindleberger (en 1973) est sans doute le premier à avoir introduit ce terme en économie politique. L’hégémonie relève selon lui de la capacité, pour la puissance dirigeante d’une période spécifique, de fournir les biens publics fondamentaux au niveau économique international. Plus techniquement, c’est la puissance qui peut créer et maintenir des « régimes internationaux » (ensembles explicite ou implicite de principes, de normes, de règles et de procédures de prise de décision autour desquelles les anticipations des acteurs convergent dans un domaine donné des relations internationales).
    En Grèce antique, le terme « hegemôn » se réfère déjà à la domination générale d’un État sur un autre. Le mot « hégémonie » est aussi employé par les révolutionnaires russes en 1901 pour évoquer la domination d’un groupe dans la lutte politique. Gramsci la ramène à la domination d’une classe sociale sur une autre, domination qui s’exerce « par la force et le consentement, l’autorité et l’hégémonie ». La contrainte est légitimée par une acceptation volontaire gagnée dans le domaine idéologique. Un État sera donc hégémonique s’il parvient à en convaincre d’autres que son propre intérêt est aussi le leur. Eichengreen a défini plus récemment l’hégémon comme un pays dont le pouvoir de marché excède significativement celui de tous ses autres rivaux. Mais cette approche néglige deux éléments : les dominations également politico-militaire et idéologique de l’hégémon. Cette influence hégémonique fait que les choix effectués par les États non hégémoniques mais souverains, libres de s’échapper et de lutter, s’accordent finalement avec ceux de l’hégémon.
    Pourquoi les systèmes-monde, depuis le XVIe siècle, ont-ils besoin d’un hégémon ? Ou plutôt, pourquoi cette concurrence a-t-elle pris la forme d’une hégémonie plutôt que celle d’une dictature impériale ? Wallerstein avait distingué deux formes possibles de système-monde, l’empire-monde d’une part, l’économie-monde d’autre part. Un empire-monde est un ensemble politique centralisé qui garantit les flux de capitaux de la périphérie vers le centre par la force (tributs et impôts) et par des avantages en termes de monopoles commerciaux. Corollaires de cette centralisation, bureau¬cratie et armée y sont omniprésentes, mais génèrent des coûts qui mettent en péril la pérennité de l’empire-monde. Comme exemples d’empires-mondes, on peut citer la Russie tsariste et communis¬te, l’Empire romain et, à moindre degré, l’Empire hellénistique. À l’opposé, l’« économie-monde » est une aire plus large que toute unité politique juridiquement définie, dans laquelle le lien fonda¬mental entre les parties est de nature économique. Ici, l’État central ne fait qu’assurer les conditions d’existence des flux économiques et non leur matérialité.
    Cette opposition entre empire-monde et économie-monde recouvre de fait l’opposition entre domination et hégémonie. Dans le premier cas, l’exercice de la violence est indispensable. Dans tout système-monde, plusieurs puissances peuvent néanmoins se disputer le leadership. Wallerstein considère que deux voies différentes se présentent à ces puissances pour assurer leur prééminence : évoluer vers un empire-monde ou obtenir une situation d’hégémonie dans le système. Or, pour Wallerstein, il était strictement impossible que le système-monde moderne, fondé sur la montée en puissance du capitalisme, évolue vers un empire-monde. Le capitalisme ne pourrait en effet pas s’accommoder d’une structure politique à même de mettre en cause la priorité de l’accumulation illimitée du capital. L’hégémonie crée par contre le mode de stabilité qui permet aux entreprises capitalistes de prospérer. Pourquoi alors l’hégémonie ne dure-t-elle pas ? Car l’hégémon doit se concentrer sur la production et ou la commercialisation, sur la finance, mais doit aussi se consacrer à un rôle politique et militaire dans le but de maintenir son pouvoir, ce qui est à la fois onéreux et corrosif. Tôt ou tard, d’autres États parviennent à améliorer leur efficacité économique, au point d’affaiblir considérablement la supériorité du pouvoir hégémonique, voire de l’effacer.

    b) Expansion financière et transition hégémonique

    Arrighi observe que le système-monde moderne a connu plusieurs phases d’une certaine « expansion financière », phases caractérisées par une importance accrue accordée par les acteurs économiques au capital financier par rapport au capital commercial et au capital productif : à Gênes à partir de 1560 ; Provinces-Unies vers 1740 ; fin du XIXe siècle ; période actuelle. Ces périodes succèderaient à chaque fois à des phases d’expansion matérielles qui finiraient par s’épuiser et se caractériseraient par la recherche de gains spéculatifs dans le seul achat des titres. Il ne faut cepen-dant pas opposer radicalement profit financier et profit productif. Si des spéculateurs achètent des titres, ils fournissent du capital à une entreprise qui l’utilisera en théorie pour investir productive-ment. Mais il y a parfois une forme de profit purement financier et négatif pour l’investissement productif, lorsque l’entreprise rachète une partie des actions émises afin de valoriser les actions restantes, comme cela a été observé récemment.
    Ces périodes d’expansion financières seraient aussi des périodes de réorganisation majeure du système-monde capitaliste, ce que l’on appellera des transitions hégémoniques. Ces périodes où la finance prend une importance particulière témoigneraient de la faiblesse nouvelle de la puissance hégémonique et annonceraient son remplacement.
    Pourquoi passerait-on inéluctablement d’une phase d’expansion matérielle à une phase plus financière ? Arrighi invoque une baisse de rentabilité des fonds investis dans la production. Com-ment comprendre alors qu’un taux de profit plus élevé puisse être réalisé dans la sphère financière de l’économie, apparemment indépendamment de la production, désormais négligée ? Arrighi sug¬gère trois possibilités : une lutte entre capitalistes qui se redistribueraient un profit désormais limité ou freiné dans sa croissance ; la capacité de la classe capitaliste, à travers les marchés financiers, à procéder à une redistribution du revenu en sa faveur et au détriment des autres classes ; la possibi¬lité que les fonds soient transférés hors des lieux et secteurs les moins profitables pour être investis dans de nouveaux secteurs ou des économies en forte croissance.
    Sur ces bases, Arrighi et Silver développent une typologie des cycles d’accumulation en mon-trant que les hégémonies se succèdent et se ressemblent mais se complexifient aussi. Les Génois sont par exemple incapables d’assurer vraiment leur protection militaire et doivent acheter celle-ci aux Habsbourg. En revanche, les Provinces-Unies développent une force suffisante pour résister vigoureusement au Saint-Empire, mais il leur manque aussi une capacité suffisante de production qui explique qu’ils aient commercialisé les produits d’autres peuples. Les Britanniques, quant à eux, possèdent à la fois une forte armée et une capacité productive inédite, mais ils leur manque un mar-ché intérieur suffisant, ce dont les États-Unis disposent.
    Une autre évolution affecterait les hégémons successifs : un mouvement de balancement. Gênes et la Grande-Bretagne étendent l’espace géographique des échanges (stratégie extensive), Provinces-Unies et États-Unis adoptent une attitude plus intensive. Ils occupent les espaces dégagés par leurs prédécesseurs et en rationnalisent l’usage. Cela est lié à des structures organisationnelles dites « cosmopolites-impériales » (Gênes et Grande-Bretagne) et « nationales-entrepreneuriales » (Provinces-Unies et États-Unis). Par ailleurs, plus les hégémons se renforcent, plus leur durée de vie apparait faible, ce que l’on peut interpréter comme l’expression d’une contradiction majeure du capitalisme mondial. Arrighi et Silver montrent aussi comment l’expansion financière restaure provisoirement les forces de l’hégémon sur le déclin, tout en renforçant les contradictions qui les minent et sont vouées à l’emporter. L’hégémon utilise en effet sa position éminente pour capter les capitaux mobiles, ce qui rehausse son taux de profit mais dynamise en même temps directement ses concurrents éventuels. À terme, le changement d’hégémon serait inéluctable, même si les bases de cette nouvelle prééminence sont tout aussi politiques qu’économiques.

    c) Hégémonie et émission de la monnaie internationale

    Si l’on reprend les trois derniers hégémons du système-monde moderne, on est effectivement confronté à la même expansion financière en fin de cycle et au même affaiblissement productif et commercial. Quel est le déroulement attendu du cycle financier de l’hégémon ?
    Première phase (Provinces-Unies entre 1650 et 1750 ; Grande-Bretagne jusqu’en 1880 ; États-Unis entre 1944 et 1958) : la force productive de l’hégémon lui permet de dégager un excédent courant significatif et donc d’effectuer des prêts à l’étranger, c’est-à-dire d’acheter des titres jusqu’à concurrence du montant de cet excédent (phase saine mais minimaliste).
    Deuxième phase (Provinces-Unies entre 1720 et 1750 ; Grande-Bretagne entre 1880 et 1918 ; États-Unis entre 1958 et 1977) : l’hégémon achète des titres étrangers au-delà de son excédent cou-rant, payant donc le supplément à l’aide de sa propre monnaie. Puisque cette monnaie est largement acceptée par ses bénéficiaires, il n’y a pas de réel problème. Mais cela provoque un déficit de la balance de base de l’hégémon. Il y a alors mise à disposition de non-résidents de la monnaie même de l’hégémon, ce qu’on appellera ici émission internationale de monnaie. Cette phase reste saine tant que l’excédent courant demeure et que les non-résidents acceptent de garder à court terme cette monnaie dans les banques du pays hégémonique. Cela permet également de stimuler la croissance des autres pays, et donc de fournir des revenus financiers au pays hégémonique.
    Troisième phase (Provinces-Unies à partir de 1750 ; Grande-Bretagne de 1919 à 1939 ; États-Unis depuis 1977) : période qualifiée par Arrighi d’« expansion financière ». L’hégémon continue d’avoir un déficit de sa balance de base mais a désormais aussi un déficit courant. Dans ces con¬di-tions, la contrepartie en biens du pays hégémonique, de sa monnaie émise internationalement pour régler le déficit de base, n’est plus aussi crédible pour les non-résidents recevant cette monnaie. Ils vont alors l’utiliser pour des achats internationaux de biens et de services, afin d’en réaliser concrè-tement la valeur, la prêter internationalement (xénocrédits) ou encore la vendre contre une autre monnaie.
    Mais la monnaie à disposition des non-résidents ne fait toujours que transiter dans le système bancaire de l’hégémon : elle passe du compte de la banque locale de l’acheteur à celui de la banque locale du vendeur, mais toujours dans la monnaie de l’hégémon et dans la banque de celui-ci. C’est là tout le privilège lié à la capacité à émettre sa monnaie internationalement qui caractérise l’hé-gémon. Le seul risque que court l’hégémon est la dépréciation de sa monnaie si la solution de vente de la monnaie de l’hégémon contre une autre est retenue, sachant que cette dévaluation ne peut être que limitée, sous peine de voir fondre drastiquement la valeur des actifs internationaux libellés en cette monnaie, possédés par la majorité des épargnants de la planète. Il peut également geler, par une simple décision administrative, les avoirs en livres des non-résidents, c’est-à-dire d’en empê¬cher toute utilisation puisque celle-ci passe nécessairement par les livres de ses banques (États-Unis avec l’Iran en 1980).
    La vente de la livre sterling dans les années 1920 a obligé la Grande-Bretagne à monter ses taux d’intérêt pour dissuader les non-résidents peu confiants de changer leurs avoir, ce qui a fini par casser la croissance anglaise et même mondiale, pour aboutir à l’abandon de l’étalon-or en 1931. La situation est assez différente depuis trente ans en ce qui concerne le cas américain. Les xénocrédits se sont multipliés, mais ont même été encouragés par l’hégémon. Le dollar a par ailleurs été émis internationalement à un tel niveau que la revente des actifs libellés dans cette monnaie ne peut se faire que de manière progressive et limitée. Cette situation amène à envisager que la succession des hégémonies ne soit pas aussi régulière et mécanique que le schéma qu’Arrighi le laisse supposer. La Chine est-elle le prochain hégémon ? Elle n’a pas d’autres choix, pour valoriser les dollars qu’elle reçoit (car balance commerciale très excédentaire vis-à-vis des États-Unis) que de les prêter au Trésor de la puissance hégémonique. Ce n’est donc plus ici (contrairement au schéma qu’Arrighi proposait) l’ancien hégémon qui finance son successeur, mais l’inverse. La transition hégémonique en ce début de XXIe siècle ne s’annonce donc vraiment pas des plus simples…

    ___________________________


    Débats

    Vous vous doutez que je débute cette série d'articles afin d'argumenter un peu plus mon attaque sur les choix historiographiques de jeux comme Europa Universalis. Mon hypothèse est que les développeurs (et leurs conseillers en histoire) ont une vision bien archaïque de la discipline historique, qui est pourtant centrale dans leurs jeux. Norel, et bien d'autres, montre clairement l'interconnexion du monde et ce depuis les époques antiques (j'espère que l'ami Faras pourra m'apporter son aide sur cette question que je connais mal) et il met également en évidence que l’élévation de l'Europe à la "puissance mondiale" ou plutôt à l'hégémonie est en fait un phénomène plus tardif et qui sera limité dans le temps. Dès lors, ne pensez vous pas que des jeux, qu'ils soient Europa Universalis ou autres, pourraient largement s'enrichir grâce à une vision de l'histoire revitalisée ? Et plus concrètement ne pensez vous pas que l'adoption de cette nouvelle vision historiographique pourra s'intégrer par le biais de mécanismes in-game fort simples ?
    Dernière modification par Musashiii1987, 25-06-2013, 07h30.

  • #2
    "Dès lors, ne pensez vous pas que des jeux, qu'ils soient Europa Universalis ou autres, pourraient largement s'enrichir grâce à une vision de l'histoire revitalisée ? Et plus concrètement ne pensez vous pas que l'adoption de cette nouvelle vision historiographique pourra s'intégrer par le biais de mécanismes in-game fort simples ?"

    Pour la première question oui. Tout ce qui peut amener des mécanismes, comme des événements, à rendre un jeu plus riche sont toujours les bienvenus.

    Pour le second aspect je ne vais répondre que sur EU, non. Enfin, oui, mais pas pour demain.
    Le système de commerce dans Europa Universalis a toujours été buggé et source d'abus, le dernier patch a capé l'efficacité commerciale et il était temps tellement c'était ignoble. Peut-être vont-ils réussir un système commercial enfin stable dans EU IV.
    Le jeu chinois était n'importe quoi avec les limitations de Divine wind. Allez la Chine annexe la moitié de l'Asie, allez elle a des armées trop nombreuses pour que le système de combat puisse les gérer.

    Le jeu vidéo a décidé qu'il était possible de jouer des pays extra-européens. Ils ont dans un premier temps représenté un intérêt nul car ne disposant pas de mécanismes adaptés (EU II). Dans EU III ils ont légèrement uniformisé les pays sur le système de jeu, donnant un début d'intérêt pour les jouer. Enfin EUIV va encore plus informiser avec son système d'idées nationales, la principale différence va provenir des idées nationales spécifiques aux pays, des unités militaires et du système technologique.
    Leur développement arrivera peut-être dans des dlc et versions ultérieures, il se fera progressivement et ce n'est pas plus mal.

    Le jeu doit toujours permettre:
    - Aux européens de rouler sur les non-européens à partir de 1500 (environ) et dans une certaine limite (se faire la Chine doit relever du challenge)
    - Eviter des situations rocambolesques avec une Chine qui annexe l'Asie ou des ottomans avec des armées révolutionnaires contre des européens en armées du Moyen-Age.

    In fine, rendre globalement compte de la situation de l'époque, sur les aspects qui intéressent le jeu. Les développeurs ont déjà répondu sur leurs priorités: rendre le jeu intéressant pour les "3 tiers" (le majeurs, les pays présentant un intérêt mais légèrement moindre, les pays qui peuvent offrir un gameplay intéressant), et se poser des questions comme "pourquoi la Chine n'a pas annexé le monde?" (donc limiter certains pays).

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    • #3
      J'ai lu en diagonale, zappant au passage les aspects économiques auxquels je ne connais rien.
      Toutefois j'ai une remarque à propos de l'innovation : Tes paragraphes font une liste énorme des innovations de rupture sans prendre en compte l'innovation incrémentale.

      Si dans ton chapitre 3.b à propos de l'armement je veux bien croire que les européens étaient largement en retard au XIVème siècle, au XIXème siècle le rapport de force est complètement inversé, les canons anglais n'ayant aucun mal à forcer la main aux chinois lors des guerres de l'opium.
      Certes, entre temps il n'y a pas eu d'innovation de rupture, un canon restait un canon. Mais l'amélioration de l'armement européen a quand même, pendant ces siècles, prit petit à petit le dessus sur l'armement oriental...
      Dernière modification par Zaariel, 25-06-2013, 13h53.

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      • #4
        Tu as tout à fait raison les Européens améliorent des technologies préexistantes et les rendent parfois radicalement plus efficaces (tu donnes l'exemple des armes mais c'est plus largement vrai pour l'industrie). Mais cette amélioration présuppose une "invention de base" qu'elle soit chinoises ou autres (et ça fonctionnera plus tard dans le sens Europe vers les autres parties du monde) et montre ainsi une filiation entre les avancées technologiques qui met en relief l'interconnexion du monde. Mon propos n'est pas de dire les Chinois étaient les plus forts ou les Indiens l'étaient ou les Européens, mon but est de montrer que, déjà très tôt dans l'histoire, le monde était interconnecté et connaissaient une dynamique qui voit l'Europe accéder à un rôle économique dominant que dès le XIXe siècle.

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        • #5
          Dés le début j'ai l'impression que le choix est déjà élaboré et porte à mettre en évidence une espèce de domination asiatique qui n'a jamais réellement eut lieu. Dire de l'occident qu'il est inférieur militairement à ses homologues c'est tout bonnement grotesque et ne tient compte que de certains aspect voulu allégé de toute contextualisation globale pour l'amener à dire ce qu'y est souhaité. Où est la dimension navale dans cette hégémonie ? Qu'elle est cette supra-sprématie dominante sans un sérieux domaine colonial outre mer ? etc...

          Le fait est que la méthode n'est pas nouvelle et ce qui est appelé comme une nouvelle façon de voir ou d'écrire l'Histoire reste du révisionnisme dont est rigoureusement client l'empir du milieu, friand d'une volonté de raconter l'Histoire qui l'arrange bien.

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          • #6
            Je comprends que tu mettes en avant les "invention de base" (innovation de rupture*, désolé, je suis chiant! ) et leur parcours mais je ne comprends pas pourquoi tu rejettes le système d'Europa Universalis. le système de technologie de EU3 en tout cas ne mettant pas en avant des "découvertes" comme un Civilization où du jour au lendemain tu découvres l'eau tiède, mais au contraire un simple indicateur numérique reflétant l'innovation générale d'un pays dans un domaine. Le rôle économique dominant de l'Europe n'existe pas en début de partie et se développe au fil du temps selon les aléas des parties, ce système me semble, à défaut d'être le meilleur, au moins le moins mauvais, pour représenter cette période.

            * l'invention est une idée qui peut être seulement théorique, telle qu'on en trouve dans les dessins de Léonard de Vinci, l'innovation est l'utilisation pratique d'une invention.

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            • #7
              @Aaltar : La théorie du complot historiographique pro-chinois est complétement absurde (par contre l'hypothèse de la circumnavigation chinoise tient du fantasque et d'une propagande très sinophile je l'accorde). Mais cela provient sans doute de ma synthèse qui ne rend pas justice à l'entièreté du travail de Norel, ce dernier ne cherche à aucun moment à établir un classement des puissances, tâches ô combien stérile pour l'historien. L'auteur veut mettre en évidence un "système-monde" afro-eurasien profondément interconnecté, à aucun moment on ne dit un tel est inférieur à un autre. Avant d'attaquer les gens aussi gravement tu devrais prendre la peine de lire l'ouvrage et de t'informer sur la réception que Norel a reçu dans la sphère des historiens.

              @Zaariel : pour Europa Universalis je serais partisan de revoir le niveau technologique de "nation" comme les Aztèques (je reviens avec cet exemple car j'ai étudié l'histoire précolombienne cette année et afin d'éviter les théories du "péril jaune) en sélectionnant les malus technologiques. Militairement le malus doit être maximum on sera tous d'accord je pense. Mais en matière productive on doit revoir complétement le malus puisque les études démontrent par exemple que l'agriculture aztèque était aussi performante que certaines agricultures latino-américaine de la deuxième moitié du... XXe siècle. Donc je suis partisan des malus technologique mais de façon mieux pensée et plus sélective (pas besoin de trente mille différence non plus ne me faites plus dire ce que je ne dis pas).

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              • #8
                Et sur les autres aspects? Car la technologie production regroupe aussi (et surtout à mon avis) le fer/cuivre, les tissus, le sel et d'autres ressources plus exotiques.
                Si c'est pour mettre en avant l'agriculture, modifier la valeur de base de la province ou mettre un bonus en production dans les modificateurs du pays (comme le sund) c'est suffisant. Inutile en terme de gameplay, mais suffisant.

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                • #9
                  Oui le retard doit existé par rapport à l'Europe même si j'avoue ne pas bien connaitre la production aztèque en ces matières. Toutefois leur large avantage agricole compenserait le reste surtout dans des sociétés d'Ancien Régime profondément agricoles (j'ai les chiffres approximatifs quelque part, j'éditerai). Enfin là où je voyais un avantage productif mésoaméricain on pourrait peut etre aller vers une sorte de statut quo par rapport à d'autres groupes technologiques, toujours sur ce seul plan productif. Encore une autre carence des EU qui ne tiennent pas assez compte l'agriculture Toucher à la valeur de base je suis contre mais par contre les modificateurs du pays me semble être une très bonne alternative !

                  Edit : peux tu préciser tompalmer ?
                  Dernière modification par Musashiii1987, 25-06-2013, 16h13.

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                  • #10
                    Sans vraiment connaitre les EU, le IVème sera mon premier, en deux mots, quel est la grande critique que tu fais à la série, et au prochain ? Parce que oui, certes, ce ne sont pas les Européens qui ont découverts les Amériques. M'enfin ça c'est un fait acquis, peu de gens le conteste, et ce n'est pas le sujet du jeu. Le sujet du jeu (un des sujets, d'accord) ça me semble plutôt être la colonisation des Amériques, Indes, etc. De plus, les Européens savaient-ils les découvertes asiatiques du reste du monde ? Pas que je sache. Ils ignoraient l'Amérique, mais l'ont colonisée, conquise, bien sûr dans un véritable bain de sang. Or, sans troller, le jeu propose avant tout (mais pas seulement apparemment, certes) la découverte du monde par ces Européens et l'histoire de sa progressive domination. Ça ne nie ni les philosophes japonais, ni les inventeurs chinois et leurs fusées, ni les empires des Khans, ni l'invention des mathématiques par les Arabes, ni l'agriculture aztèque (heu... honnêtement, là, c'est toi l'expert, je n'y connais rien, contrairement, a minima, au reste), c'est seulement qu'entre la fin du XVème -pour voir large- et le XIXème, l'Europe s'impose comme le continent expansionniste. Le jeu ne me semble pas prétendre à plus que représenter ce mouvement, avec ses problèmes intrinsèques et aztèques (ah ah ah... je sors... ), de la manière dont joue le joueur. (Ou aller contre, mais c'est ce lancer un défis.)

                    Bon, peut-être que je vise à coté de la plaque et que tu reproches autre chose à ce jeu. Puis c'est vrai que ce n'est pas le sujet de base de ce topic, mais je n'allais pas y revenir, je savais déjà qu'évidemment l'Europe n'est pas la base de tout. Mais qu'elle s'est seulement affirmé progressivement dominante (j'ai déjà dis ça, non ?), avec tout les guillemets que tu veux, dans cette période de l'histoire.

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                    • #11
                      Le prolbème Musahiii c'est que je ne comprends pas trop le but de ta démonstration.
                      Que l'économie ait été très tôt un phénomène global je crois que nul ici ne le conteste, "la mondialisation" c'est pas un truc qui date de la création de l'OMC, la route de la soie, de l'encens, de l'ambre, je crois que ce sont des histoires connues.

                      Que "les européens" se soient appropriés tout un tas d'inventions inventées ailleurs, oui, c'est aussi connu, c'est un phénomène vieux comme le monde qui ne touche pas que les européens.

                      Mais tu éludes la question principale : pourquoi seuls les européens ont-ils été capables de pousser ces inventions à leur limite, de les perfectionner, de bâtir autour et de conquérir le monde?
                      Qu'est ce qui fait que en 1839, les inventeurs de l'artillerie, les chinois, voient débouler les britanniques qui leur mettent une rouste avec de meilleurs canons?

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                      • #12
                        Tout le développement aborde la période des Temps Modernes, le XIXe siècle présente une tout autre configuration où là effectivement l'Europe prend le leadership économique et politique. Mais pour faire bref la balance commerciale de l'Europe par rapport à l'Asie est déficitaire jusqu'au XVIIIe siècle voir XIXe sur le plan technique également l'Europe accumule les retards et ce jusqu'au XVIIIe siècle. Dès lors à mon sens la vision de l'Europe véhiculée dans les Europa Universalis est fausse ou au moins anachronique sur la place donnée aux autres "nations".

                        Après la série d'articles/synthèses que je présenterai ici n'aura pas pour seule finalité de descendre Europa Universalis (que j’achèterai malgré tout à sa sortie), je trouvais que ce topic était une bonne occasion d'aborder des questions d'histoire globale et pourquoi pas de débattre comme on le fait d'une mise en relation entre cette façon d'envisager l'histoire et les jeux auxquels nous jouons.

                        ps : +1 à Hypocrite pour le "jeux de mots"

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